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Waqf Towfiq au Kenya: un modèle de lutte contre la fragilité en Somalie

Waqf de Towfiq Welfare Association (Towfiq Trust)

Le FIBA a fait ses preuves au Bangladesh et aux EAU, finançant et facilitant de multiples projets, mais il s’est également ouvert à l'Afrique, en collaboration avec le Waqf de la Towfiq Welfare Society (Towfiq Trust). En novembre 2015, le FIBA a approuvé une opération mourabaha, à savoir l'acquisition d'une propriété waqf au profit du Towfiq Trust kenyan, afin de soutenir l'éducation et la santé en Somalie. Cependant, en raison du temps qu'il a fallu à l'association pour finaliser le financement et du changement de portée en ciblant un autre bien immobilier, suivi d'une réévaluation, l'accord a été finalement signé en juillet 2017. Bien que ce projet fût relativement petit par rapport à la plupart des projets du FIBA - ne coûtant que 3,5 millions de dollars, dont 2,75 millions de dollars représentant la contribution du FIBA - le Fonds a joué un rôle de catalyseur et de facilitateur de ce Waqf, allant au-delà de celui de financier, pendant son exécution.  

Organisation humanitaire non confessionnelle enregistrée, basée à Kismayo, en Somalie, la Towfiq Welfare Society (TWS) était l'organisation que le Towfiq Trust kenyan visait à soutenir par sa collaboration avec le FIBA dans le cadre du Waqf. La TWS a été créée au milieu des années 1990 par des intellectuels locaux qui se sont rendus compte de la nécessité de relever les niveaux d'éducation et de soins de santé, de renforcer le soutien aux enfants, l'agriculture, les secours d'urgence et la protection de l'environnement dans les provinces du sud et du centre de la Somalie, un objectif pour lequel la TWS continue de faire front aux problèmes socio-économiques. L'immeuble de bureaux Waqf de 7 étages, appelé « SOMAK House », est idéalement situé à Nairobi, au Kenya, et sert de source de financement pour les projets de la TWS en Somalie.

Au moment de l'évaluation, les prévisions de revenus de SOMAK House étaient prometteuses et réalistes : la propriété était occupée à près de 97 % par des locataires, dont l'ancien propriétaire qui souhaitait rester dans l'immeuble en tant que locataire, après le transfert du bien immobilier au Towfiq Trust. Comme la demande de bureaux à Nairobi était en hausse, le projet devait générer pour la TWS des flux de trésorerie suffisants, supérieurs au service de la dette. Bien que le bénéfice net de la TWS après le service de la dette se maintienne à 98 000 dollars par an pendant la phase de remboursement, à l'issue des 16 années de remboursement, le bénéfice net passera à 585 000 dollars par an, car les loyers devraient augmenter de 7,5 % par an. Même si sa gestion financière prudente avant l'engagement de la BID, la TWS bénéficiera néanmoins énormément de ce Waqf, surtout en raison des récentes baisses de dons de la région du Golfe. Avec un budget de 2,07 millions de dollars en 2016 et des investissements d'une valeur de 4,4 millions de dollars en Somalie et de 743 000 dollars ailleurs, les revenus du Waqf, soit 246 000 dollars au moment de son achat et de son exploitation, représentent un apport financier majeur pour la TWS. 

SOMAK House représente une avancée vers la durabilité et l'institutionnalisation, l’autonomisation pour les multiples projets exécutés par la TWS. Outre l'aide apportée à plus de 700 orphelins, la TWS gère un certain nombre d'écoles offrant différents niveaux d'enseignement dans la plupart des districts des provinces du Lower et Middle Juba en Somalie, la seule université agréée de Kismayo et l'Institut de recherche et de développement communautaire. La fonction de l'université de Kismayo a été à l’origine de l’ouverture d’une filière médicale et d'un hôpital universitaire, qui reçoit maintenant 250 à 300 patients par jour. En outre, la TWS envoie des équipes mobiles dans différents districts de Juba pour la sensibilisation au choléra, au paludisme et à la malnutrition. Le problème de santé ne se limite pas aux services médicaux, mais s'étend également aux sources d'eau potable et à une nutrition adéquate :  la TWS a mis en œuvre des programmes de développement hydrique dans la région, en fournissant à des milliers de personnes et à leur bétail des forages artésiens et des puits creusés à la main, et en gérant le centre d'alimentation d'Al-Ansar depuis 1998. En outre, dans le but d'accroître la productivité agricole dans la région, la TWS a mis en œuvre un certain nombre de projets agricoles, en coordination avec d'autres organisations, et a soutenu la mise en valeur et la culture de 260 hectares de terres arables. En ce qui concerne les crises humanitaires et les catastrophes naturelles, la TWS a coopéré avec les organisations de secours humanitaires pour apporter des aides d'urgence, comprenant la distribution de nourriture, d'eau et de médicaments. Dans l'ensemble, la TWS a aidé plus de 400 000 étudiants, orphelins, agriculteurs et victimes de catastrophes naturelles.     

Selon la direction de la TWS, le fait d'avoir le Waqf à l’actif de son bilan - ce qui n'aurait peut-être pas été possible sans le FIBA - est un atout pour l'organisation, lui donne plus de poids et de crédibilité. Comme l'a indiqué la TWS, le FIBA joue un rôle important dans l'autonomisation des organisations locales de la société civile défavorisées, conformément à la tradition prophétique qui consiste à donner aux plus démunis les moyens de réaliser des profits (« tuksibu alma'adum »). Le FIBA a fait preuve d'une grande flexibilité, en autorisant le changement de bâtiment en raison d’imprévus et en conseillant la TWS tout au long du processus ; ainsi le partenariat avec la BID a donné de la crédibilité à la TWS et à ses institutions affiliées. De prime abord, l'impact du Waqf sur l'économie locale peut sembler dérisoire, mais après un examen plus approfondi, il est évident que le Waqf a bénéficié à l'économie locale par l’application des normes élevées du FIBA au bâtiment Waqf déjà existant, ce qui conduirait à l'élévation des normes de construction. Plus directement, il a entraîné un afflux de devises fortes sur le marché immobilier local. 

Grâce à sa gestion déjà bien établie et opérationnelle et à la gouvernance solide et durable préconisée par la BID, et en relevant les défis posés par les fluctuations économiques, SOMAK House pourra devenir l’archétype des projets Waqf réussis. Cette collaboration a appris au FIBA que l’administration des projets Waqf par la BID est à la fois recommandée et efficace et que tirer parti de la stabilité politique et économique des pays voisins au profit des ONG opérant dans des contextes de fragilité, comme c'est le cas du Towfiq Trust et de la TWS, est un gage de réussite pour toutes les parties prenantes